26/06/2014

Goth vs Gothic

Il est temps de se pencher sur la nuance entre les codes adjectivaux « goth » et « gothic ».

une vision romantique d'Ulfilas évangélisant les Goths

Communément, l'adjectif « goth » fait référence au Goths, un peuple barbare germanique remontant au III° siècle et dont les deux branches, Ostrogoths et Wisigoths, furent en guerre contre l'Empire Romain à la fin de l'Antiquité.

L'adjectif « gothic » est lui plus souvent utilisé pour caractériser deux mouvements historiquement distincts :
- le style architectural francigenum opus qui s'est développé à partir de la seconde partie du Moyen Âge en Europe occidentale, atteignant son pic au XV° siècle.
- le genre de fiction littéraire anglaise, popularisé à la fin XVIII°/début XIX° et précurseur du roman noir par son cadre lugubre, mystérieux et souvent horrifiant
Comme l'évoque Pete Scathe, l'évolution vers un aspect plus raffiné du mouvement goth fut en grande partie une conséquence de l'étiquetage lui-même. En effet, les différentes appropriations des significations de ces deux termes orientèrent les différentes directions prises.


Le changement d'épithète de 
« goth » à « gothic » semble avoir accompagné le changement de paradigme du punk au rock au sein de la scène. Et de surcroît, un glissement des signifiants et des thématiques. Ce passage du goth originel au gothic rock, proprement dit, fut essentiellement initié par quelques groupes proposant alors les archétypes du genre.

La formation culte de Ian Astbury fut l'une d'entre elles. Voici donc deux exemples qui marquent assez bien cette rupture, et peuvent donc aider à éclaircir l'espace entre les deux concepts :
- goth, tribal et païen, chez Southern Death Cult, figure de proue des positive punks. 
- gothic, épique et romantique, chez The Cult, tête d'affiche des dark rockers.

07/06/2014

Gothfathers

Une note sur quelques influences notables du goth souvent occultées.

A cause de certaines compréhensions de l'après-punk, très ancrées car nécessaires pour consolider une certaine image du goth (romantisme noir et expérimentalisme spectaculaire), la plupart des récits font l'impasse sur les racines des scènes originales ayant un ton moins grave et sérieux. Or elles précisent parfois bien mieux que les références plus tardives ce qui fit l'originalité de la tendance au début des années 80.

Dr Frank-N-Furter (Tim Curry)

Dans son article fondateur sur le positive punk (février 1983), Richard North explicite le dénominateur commun de ces nouveaux groupes : l'utilisation d'une imagerie mystique/métaphysique et le symbolisme, et cela avec humour, style et fun. Ces composantes essentielles du mouvement sont, chez certains groupes, bien plus proches du Rocky Horror que d'Aleister Crowley. L'épigramme de l'article emprunte également le « Don't dream it, be it ! » du Dr. Frank-N-Furter.

Les thématiques du musical glam rock culte de Richard O'Brien, hommage aux séries B de science-fiction et d'horreur, sont omniprésentes à la Batcave. Voici un extrait de l'adaptation cinématographique de 1975 :



C'est une généalogie commune avec le glam rock qui fit l'unité des groupes goths, comme le rappelle Simon Reynolds dans sa chronique du coffret A Life Less Lived: The Gothic Box (2006). Le critique insiste surtout sur le fait que ce fut Alice Cooper, bien plus que Bowie ou Bolan, qui était le vrai parrain du goth, de par sa théâtralité horrifique et son humour noir. Ouvrant la voie pour les branches américaine (death rock de Christian Death) et britannique (glam punk de Specimen).


Rappelons qu'avant de se ridiculiser en se prenant au sérieux et/ou en sombrant dans la nostalgie de son propre passé, le goth était festif et positif.

Cf. ce témoignage de Jonny Slut rapporté par Mick Mercer (Gothic Rock, 1993) :
It was a light bulb for all the freaks and people like myself who were from the sticks and wanted a bit more from life. Freaks, weirdos, sexual deviants... There's people around who'll always be attracted by something shiny, glittering, exciting. At the time the Batcave wasn't a doomy, Gothy, droney grungey sort of place. I don't think it ever was, but I imagine in this day and age that's what people may imagine it was... but it was more Gotham City than Aleister Crowley.