19/06/2015

Myth Buster

En cherchant sur le web francophone des récits contemporains sur l'histoire du goth, il est possible de tomber sur la fable de l'article négatif sur la Batcave titré « La génération qui fout en l'air la civilisation » et qui serait à l'origine de l'image négative du mouvement, voire même de l'utilisation originelle de « goth » comme insulte. Bien entendu aucune source ni référence ne sont fournies par les corbeaux anonymes la colportant sur des forums et des blogs. Qu'il s'agisse d'une fiction consciemment construite ou d'une extrapolation d'après un savoir mal assimilé, une petite démystification s'impose.


Destructeurs de civilisation ?

Dans une interview par Tracks en 2007, Siouxsie Sioux raconta une nouvelle fois ses souvenirs de l'époque du Bromley Contingent, en insistant sur la mauvaise image médiatique du punk anglais. Celle qui fut, malgré elle, la marraine du goth évoqua un tabloïd titré The generation that wrecks civilisation.


A y voir de plus près, il s'agit en fait de la couverture par le Daily Mail de l'exposition Prostitution de la troupe de performeurs et musiciens COUM Transmissions (futur Throbbing Gristle) à l'Institute of Contemporary Arts de Londres le 18 octobre 1976. « These people are the wreckers of civilisation » commenta Nicholas Fairbairn, un parlementaire écossais conservateur. Les punks Siouxsie et Steve Havoc (futur Severin) y furent photographiés et légendés « visitors ... what today's connoisseur is wearing ».


L'année suivant, Genesis P-Orridge utilisera des éléments de l'article en question pour la pochette de son premier LP ; et Wreckers of Civilisation fut le nom d'un livre de Simon Ford sur COUM Transmissions et Throbbing Gristle.

Les dits destructeurs de civilisation furent finalement un collectif post-Dada et proto-indus en 1976, soit en pleine période punk et donc bien avant le goth.


Origine de l'étiquette ?

Pete Scathe avait enquêté sur ce sujet pour son A History of Goth. Depuis les années 60, l'adjectif « gothic » avait déjà été utilisé pour qualifier les ambiances produites par des musiciens comme les Doors, David Bowie, Joy Division ou encore les Banshees. Mais la première utilisation du terme « goth » pour décrire une certaine scène musicale serait issue d'une boutade amicale entre ses musiciens eux-même, et ce, pas avant la fin 1982 début 1983.

Cf. l'interview d'Ian Astbury par Dave Thompson et Jo-Anne Green pour Alternative Press (novembre 1994) :
The goth tag was a bit of a joke. One of the groups coming up at the same time as us was Sex Gang Children, and Andi -- he used to dress like a Banshees fan, and I used to call him the Gothic Goblin because he was a little guy, and he's dark. He used to like Edith Piaf and this macabre music, and he lived in a building in Brixton called Visigoth Towers. So he was the little Gothic Goblin, and his followers were Goths. That's where goth came from.
Le qualificatif aurait été rapidement relayé par Dave Dorrell du NME et remplaça l'éphémère « positive punk » de Richard North. En octobre 1983, Tom Vague utilisa « goths » pour décrire le subculture naissante dans Zig Zag (sous la direction de Mick Mercer).

Ainsi, selon ces sources, l'étiquette « goth » serait bien organique à la scène londonienne originelle et sans connotation négative.