25/05/2017

Goth maintenant, 2

Déterrons et poursuivons l'exercice sur l'historicité du goth commencé précédemment ; à la recherche des tendances musicales contemporaines présentant une démarche analogue.

Positive punks (1983)
Dans A Short, Reductive, Timeline of Dark Music (mars 2013), Jason Pitzl-Waters décrivait le revival commencé en 2009 qui avait amené la boite à outils post-punk dans des territoires plus sombres, et permettant aux vieux groupes goth de devenir des références acceptables pour de nombreux jeunes groupes. 


La collision de ce neo-post-punk obscur avec le postmodernisme californien de la vaporwave et son A E S T H E T I C S engendra une sorte de darkwave hypnagogique, à la fois rétro et dans l’air du temps : « gothgaze ». Une plate-forme inter-dimensionelle canalisant des messages auditifs et visuels comme le décrit le personnage pandrogyne Deb Demure à la tête de Drab Majesty.


Alors que les USA découvrent et digèrent les tendances brumeuses post-Joy Division, un groupe britannique semble renouer avec l'esprit du positive punk, id est l'étincelle originelle du goth. Avec le même enthousiasme qu'eut Richard North en 1983, Mark Beaumont voit en HMLTD le groupe le plus palpitant du UK (NME, mars 2017). Des provocateurs pop perfusés au glam qui semblent vouloir faire revivre le rock à guitare et sonnant comme un rejeton démoniaque d'Adam Ant ou Frankie allant dans les bas-fond d'Hollywood, en attirant l'attention avec toutes les tactiques shock-and-awe de la pop marginale, de  Ziggy Stardust à The Prodigy et Peaches, via le new romanticism.

24/02/2017

Fashionnement goth

Note sur le look instantanément identifiable associé à la subculture goth.


Dès ses débuts, la mode goth consistait en un amalgame d'influences punk, glam, fetish et cinématographiques. Cet esthétisme cultivait des pensées discordantes, à la fois grotesques et romantiques, et tenait presque pour une parodie du gothique issu de la littérature. Dans la construction de ces récits, les vêtements avaient toujours joué un rôle essentiel et le roman éponyme était historiquement lié à la mode par l'apparition du consumérisme moderne au XIX° siècle. 


Some wear leather, some wear lace
Some wear makeup on their face

Johnny Slut (1982)
Cheveux crêpés noirs, maquillage sombre et épais, distinctement stylisé, accentuant yeux, pommettes et lèvres. La combinaison de l’apparence cadavérique et de l'androgynie fut au centre de la démarche de subversion.

Par la suite, les tenues furent souvent créés en mariant confusément plusieurs styles disparates et hétéroclites. Alors qu'un nombre significatif d'éléments des débuts demeuraient toujours présents, le thème général du sombre et du macabre s'est développé de différentes façons. Des looks ont émergés à partir de points relativement marginaux mais néanmoins cohérents. Les différentes nouvelles scènes absorbaient tous types de référents autres que ceux de départ (emprunts anachroniques, de l'élégance victorienne au fonctionnalisme militaire) et se diversifiaient en sous-catégories. La mode répondant toujours à des changements sociaux et culturels, la grande diversité des "goths contemporains" présente de nouveaux looks basés sur les scènes dance club et/ou le cosplay : cyber, lolita, steampunk, geisha, ...


La subculture s'est toujours articulée assez clairement autour d'un ensemble de styles spectaculaires pour promouvoir une identité « curieuse » « fascinante »  et « choquante ». Et la fonction des vêtements dépend largement de ceux qui les portes. En effet, la classe moyenne des 80's put promulguer la rébellion seulement par des codes stéréotypés ou implicitement ridicules. Alors que l'avant-garde déclassée des 90's préféra privilégier la figure aristocratique du dandy extravagant, souhaitant bousculer les conventions. Cette iconographie interne réanime délibérément des clichés et une fixation persistante sur le retour du passé.

Carolyn Jones en Morticia Addams (1964)
Le mode dite gothique idéalise grandement le style féminin pour les deux sexes et transpose le binaire du genre dans les catégories de l'androgynie masculine et l'hyper-sexualisation féminine. Quant au retour au romantisme, il réintroduisit la dichotomie classique du rockisme, entre le guerrier masculin et la fée féminine. Dans toutes les sous-familles gothiques demeure l'existence d'archétypes très fortement genrés.

Cf. les fameux looks gothiques pour hommes et femmes par Fab Crobard.

A noter que les femmes gothiques sont trop souvent présentées dans la subculture comme des consommatrices de vêtement et de musique, plutôt que comme des créatrices de celle-ci.

En tant que subculture spectaculaire, le goth signifie la différence à travers l'innovation stylistique et une esthétisation de la vie quotidienne. Et en tant que subculture de consommation, il est orienté vers la marchandise et subit un processus de réification. Il suit alors un cycle de vie dans lequel les gens, la signification et les produits changent au cour du temps. Les interactions avec le mainstream altéra la manière dont le look fut représenté dans les discours. Et rapidement, l'habillement dit « gothique » devint spécifiquement la préoccupation première pour nombreux membres.

Le capital subculturel, qui inclut la connaissance et l'achat de biens de consommation, confère un statut à son propriétaire aux yeux de l'observateur approprié, qui le différencie subtilement de ses pairs et de la culture dominante. Il renforce ainsi les hiérarchies et les relations de pouvoir au sein de la subculture.

Jeu de cartes humoristique par R. Hunter Gough (2000)

Sources / pour aller plus loin

Paul Hodkinson, Goth Identity, Style and Subculture (2002)
Marc Torrent, La Mode Gothique, Un Aperçu de l'Enfer (2011)
Catherine Spooner, Fashioning Gothic Bodies (2012)
Roberts, Livingstone & Baxter-Wright, Gothic: The Evolution of a Dark Subculture (2015)