14/09/2022

Héxagonalement froid (2/2)

Suite et fin de la note sur la tendance la plus populaire chez les corbeaux.


A côté du crypto-goth, la scène froide inclut une darkwave en nuances de gris, dans la continuité du postpunk kraftwerkien.

Comme le rappelle Jean-François Sanz (2008), toute une partie de la jeunesse française en quête d'identité se reconnut dans les textes sombres, la musique synthétique froide et l'attitude désinvolte de certains « jeunes gens modernes ». 

Ainsi certaines formations choisirent de distiller leur mal de vivre à l'aide de sonorités tirées essentiellement de synthétiseurs et de boites-à-rythmes, sans pour autant adhérer à une esthétique futuriste (Carnets Noirs, Acte II, 2006). Entre rigueur et romantisme, s'éloignant de l'electronica novö et de la synthpop.








Evidemment la frontière entre la tendance et ses voisines, dont le post-indus et l'EBM, est évidemment très poreuse.


La fin de la décennie vit apparaître un style toujours frisquet mais plus mélodique : la touching pop.


Héxagonalement goth (1/2)

Note en deux parties sur le cœur historique des musiques sombres de ce côté de la Manche.


La grand famille musicale la plus populaire fut plus communément nommée « cold wave ». 

D'après les Carnets Noirs, Acte II (2006), le terme est associé à une new wave froide et intellectuelle en opposition à une new wave commerciale et facile. Et la scène française et francophone fut non seulement très importante mais aussi très riche (...) particulièrement inventive, littéraire et audacieusement folle (sic).

En y regardant de plus près, cela recouvre un grand fourre-tout gothique, électrique et synthétique, avec quelques groupes en imperméables et beaucoup avec une parenté musicale claire avec le positive punk et le goth.

A part quelques exceptions se réclamant du glam-punk de la Batcave et du death rock, peu de formations se présentaient lookés. Ces dernières, qui témoigneraient d'une sensibilité typiquement française qui pousse à préférer les choses plus sophistiquées et liées à plusieurs domaines artistiques (sic) eurent le droit d'être qualifiées de « gothiques ».

La scène froide s'est évidemment construite comme une reformulation romantique et culturelle du punk. Les « jeunes barbares cultivés » succédèrent alors aux « jeunes gens modernes », comme une alternative à la new wave, au postpunk et à la new pop.











La suite ici.

03/09/2022

Proto-goth

Parlons des points de référence post-punk à l'origine du son et de l'esprit goth.


L'argument tacite de Simon Reynolds, dans son chapitre sur le goth de Rip It Up & Start Again (2005) est que les groupes qui ont inspiré les goths étaient de loin supérieurs aux goths eux-mêmes


Le début des années 80 marque un moment où les idées d'obscurité et d'impureté (sexuelle) revendiquées par un nouvel underground commençaient à représenter une alternative à l'éclat commercial d'une new pop un peu trop propre sur elle, mais également au caractère hyper-rationnel et anti-religieux du postpunk.

Le public proto-goth s'accrocha alors à tous les groupes qui avaient quelque chose d'un peu fin et tordu à offrit, de romantique et de torturé.


Le journaliste rajoute une couche dans sa chronique du coffret A Life Less Lived: The Gothic Box (2006) : la musique goth la plus aventureuse a été faite dans la phase émergente du genre, avant qu’elle ne devienne un style codifié, avant même qu’elle n'ait ce nom en fait.

Dub rocky-horror caverneux, cavalcade doom-punk, blues grotesquement bruitiste, sean nós primitiviste, psychédélisme morbide ...








Vu du postpunk, ce proto-goth apparaît bien plus ouvert qu'une grosse partie du goth, désespérément ordinaire sous ses belles fringues de mystère surnaturel et de menace souterraine (sic).

Quelques citations de concernés :
Steve Severin pour Alternative Press (1994) : "All the time the Goth thing was growing up alongside us, we were doing something completely different to what the audience imagined we were doing, So they started doing it themselves. With the Sisters of Mercy... suddenly the audience was onstage itself."

Robert Smith pour Guitar World (1996) : "We didn't invent Goth. That's a myth. We were a raincoat band in those days. That was the term that was around at the time. Now I suppose it's all been lumped together. So now we've actually achieved this status of legendary Goth Gods. Around the time of Pornography we had a sound and a vision, and that's been turned into this notion of Goth. But it wasn't around at the time we were doing it. I don't think we really invented it. Bands such as the Sisters of Mercy that came after us, they were Goth. And Danse Society, who supported us on a British tour we did in '80 or '81. Those bands were responsible for Goth. They cited us as an influence, but they just took it a step further."

Daniel Ash pour VCReporter (2005) : "In England, Goth has always been a joke. It means big hair, too much makeup and no talent. People tend to say The Cure, Siouxsie & The Banshees, New Order and Joy Division were Goth. No way: Goth was Alien Sex Fiend and Specimen, all that crap. Time has shown we had more talent than those guys."