03/09/2021

Spontanément goth

Petite réaction à chaud à la sortie de Gothic Rock : Une anthologie en 100 albums 1979-2000 de Victor Provis.

Violoniste du XIVème siècle

L'introduction contient les indispensables poncifs : décadence, théâtralisation, radicalité fantasmée, romantisme, rejet du qualificatif, blâme des journalistes, récupération commerciale, et cætera.
« S'il est difficile de trouver des éléments gémellaires entre les groupes, on les rassemble instinctivement sous la même bannière. Le rock gothique se définit surtout en miroir des autres : trop noir, trop sombre, trop lyrique. »

« Les musiciens admettent être férus de films, de littérature, et souhaitent insuffler l'intensité qu'on y trouve à leur musique. »

« Si le punk veut la révolution sociale, le gothique déclenche une révolution culturelle. »

« Le musicien gothique se dit que le confort l'emportera toujours sur les velléités d'émancipation, surtout en considérant les valeurs humanistes comme illusoires. En dehors d'eux-mêmes, il n'y a rien sur quoi s'accrocher. (...) Il y a du nihilisme nietzchéen chez les goths. »

« Cette musique était la bande-son de ceux qui voulaient vivre de l'autre côté, qui avait une plus haute aspiration artistique et intellectuelle que ce que proposait le Top 50 dans les années 80. »

« La création musicale vient d'un élan naturel dont on ignore la source. C'est un mouvement spontané qui prolonge la profondeur de l'être. (...) Le gothique joue à être lui-même. »
Ces extraits choisis ne s'écartent pas vraiment du cadre idéologique de la subculture, précédemment traitées sur le blog.

L'auteur rappelle que les musiciens gothiques sont des gens très cultivés. Si le punk pouvait lire l'Humanité, le gothique lirait plutôt Télérama ou Technikart. Avec une musique apportant un petit capital culturel à un public narcissique qui voudrait se distinguer de la masse.

La troisième partie du livre tranche avec les habituels catalogues de sous-genres -- avec des groupes classés plus ou moins arbitrairement -- publiés depuis les séminaux Carnets Noirs (2003). Après l'anthologie, est ici proposé un historique bien documenté sur « les 10 scènes fondatrices » :
  • Post-punk
  • Death Rock
  • Positive Punk
  • Batcave
  • Ethereal Wave
  • Leeds Scene
  • Independent Project Records
  • French Goth
  • Darkwave 
  • Second Wave

L'étiquette « rock gothique » perd évidemment de sa pertinence si elle est collée sur tout ce qui est plus sombre ou histrionique que la moyenne. Et sans connaissance de la diversité et des dialectiques de l'après-punk, il est difficile de comprendre l'émergence de la tendance. Ou même de n'importe quelle autre de l'époque. Et avec une conception idéaliste de la production artistique, les œuvres apparaitront toujours comme créés ex nihilo par magie.

Mais comme pourrait dire Spinoza, l'ignorance n'est pas un argument.

Bonus :

Sans oser le demander, "Qui a peur du rock gothique ?" (Octobre 2021) avec une interview de Victor Provis

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